AVANT//POST PAYSAGE (extract)
Exposition de Juliette Vivier & Lluis Perico

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Au centre de la question du paysage, son observateur. Il le perçoit en même temps qu’il le façonne par sa présence. Le paysage nous catapulte en avant, nous regardeurs, vers un ailleurs de notre géographie de l’instant.
Les pays, les terres, les lieux ici exposés n’existent pas. Le travail de Lluís Pericó et celui de Juliette Vivier ont en commun de ne représenter aucune réalité. Ce sont des œuvres autant par leurs sujets que par leurs traitements, deux manières distinctes et en apparence tranchées, qui viennent encadrer ce classique de l’histoire de l’art. L’une en gravure, l’autre en peinture, interrogent sur la pertinence et le sens du paysage dans le panorama de l’art plastique contemporain.
Dans les tableaux de Lluís Pericó, l’observateur est placé au sein de ce qui est représenté. Ses peintures fixent un ensemble et proposent au regard une construction qui se tient et se suffit. Aucune matière au ciel, au sol, de part et d’autre ne manque. Il s’agit d’un monde intégral. Un sentiment d’homéostasie, d’équilibre domine l’ensemble de ses compositions. Les estampes de Juliette Vivier présentent un fragment, présage d’une trame à l’infini, comme une métonymie. L’un représente le Tout, l’autre la partie qui figure le Tout.
(…)
Avec sa grande maîtrise des techniques de gravure, Juliette Vivier travaille sur le chaos, le tohu-bohu, un état des choses en amont de toute création. Or dessiner l’aléatoire est impossible à tout être ayant vécu. L’inconscient, les souvenirs, les goûts, l’histoire, la culture, l’apprentissage, les états d’âme influent sur la main du dessinateur. Juliette Vivier choisit de faire appel à l’informatique, capable de donner forme à un hasard exempt de toute influence humaine. Cette délégation de conception à un tiers numérique est un gage de pureté stochastique qui renvoie d’emblée au chaos, un avant-paysage.
S’agit-il d’un tas de poussière ou d’un Everest tout neuf non encore émoussé ? L’absence d’échelle participe de ce vertige. Ici, l’être n’existe pas, ou pas encore. L’observateur est positionné en altitude, à l’extérieur de tout cela. S’il est invité à y entrer, en tant que découvreur d’un nouveau monde, il se doit alors d’être conscient de son action, de son impact. Du fait de sa présence, une fois dedans, il s’agira enfin d’un paysage.(…)

Eglantine Dargent-Guy & François Kenesi