Une poétique éruptive
A propos des dessins de la série Atomique

À première vue, la série Atomique de Juliette Vivier pourrait évoquer le résultat d’une solide étude des nuages tant l’exploration semble attentive et délicate. Le geste de l’artiste est assidu, son dessin est minutieux et sensible. Pourtant nous sommes éloignés de l’observation autant ciselée qu’ardente des phénomènes atmosphériques par un John Constable ou un Eugène Boudin. En effet, il ne s’agit pas ici du spectacle des nuées célestes. Ce travail a pour point de départ, non pas les cumulo-nimbus et les rondeurs de leurs courbes, ni les cirrus et leurs traînes mélancoliques, mais la représentation de pyrocumulus, autrement dit de nuages formés par l’explosion d’une bombe atomique.

Retirés de toute lecture historique ou géographique, décontextualisés de leur situation dramatique de la destruction, ainsi que de leur teneur tragique de la guerre, ils deviennent autre chose. Ils convoquent l’imaginaire et ses prestiges en se « déréalisant ». Ils sont le produit d’un détournement d’images. Ainsi, chaque nuage se meut tantôt en un arbre feuillu, tantôt en une quintessence végétale, tantôt en un buisson quasi abstrait ou encore en les plis maniéristes d’un vêtement gonflé par le vent. Il est devenu une forme poétique en soi, presque onirique.

La qualité souvent médiocre des visuels glanés sur internet souscrit d’emblée à un écart, à un éloignement de l’image de départ. Parfois l’artiste a effacé des parties du champignon, permettant ainsi une réinterprétation ou une invention des formes. Conviant la magie enfantine des paréidolies consistant à déchiffrer des signes distincts dans le ciel et ses voilures ambigües, l’artiste révèle des formes familières dans des images confuses. Elle met de l’ordre dans le chaos.

De cette façon, les modelés sensuels de ces volutes enchevêtrées semblent dévoiler diverses strates de l’apparence. Ils dessinent des mondes ensevelis dans le visible, ici ré-apparaissant dans toute leur organicité. Dans la démarche de l’artiste, cette œuvre chirurgienne de la perception est récurrente.

Juliette Fontaine